Qui a tué l’avocat maître Nicolas Fender dans le roman Exécution ?

Le genre policier fait partie des styles littéraires préférés des Français… Mais pourquoi aime-t-on autant les enquêtes criminelles, qu’elles soient factices ou réelles ? Ce type de lecture n’est pas seulement un exutoire, un défouloir à curiosité morbide. La curiosité morbide est saine, lorsqu’elle est distanciée, car elle témoigne d’une volonté de connaître, savoir, afin de mieux se prémunir contre les dangers de l’humanité. C’est une leçon d’humilité de pouvoir se confronter aux pires vices de notre espèce. Cela permet en effet de constater à quel point l’esprit peut aller loin et ce dont il est capable… Cependant, le genre policier stimule l’intelligence, l’analyse, encourageant à adopter des réflexes logiques. Au-delà du simple angle divertissant, le polar est donc aussi un excellent moyen d’éveiller son cerveau, tout en passant un bon moment de lecture ou de cinéma, concernant les films du genre.

Exécution de Pascal Marmet : de quoi ça parle ?

Pascal Marmet est l’auteur du roman Exécution, paru en mai 2022 aux éditions M+. Il s’agit d’un texte de 204 pages, très facile et rapide à lire. L’ouvrage présente un sordide règlement de compte : un meurtre a eu lieu dans les sous-sols du palais de justice de Paris. Au 36 quai des Orfèvres, tout le monde s’indigne d’une telle provocation. Après tout, l’horreur s’est déroulée à même le nid, sous les yeux de tous ces professionnels. Pourtant, l’histoire va nécessiter une attention toute particulière, pour pouvoir être déchiffrée et démantelée. Pour découvrir l’identité de l’assassin, le personnage principal François Chanel va devoir constituer une équipe de choc et faire appel à toutes ses facultés mentales…

Sous l’ordre de la chef divisionnaire Mademoiselle Maigret, le commandant va se confronter à un meurtre violent, qui cache une terrifiante réalité.

Une victime qui n’inspire pas la sympathie

Dans l’immense majorité des romans policiers, le meurtre fait partie des éléments les plus représentés. Pour l’occasion, Pascal Marmet a décidé d’introduire un personnage qui n’a rien d’une sainte-nitouche. Nicolas Fender est un avocat reconnu par la profession mais qui a développé des centres d’intérêt pervers marqués. Cet obsédé libidineux ne suscite pas la compassion du lecteur, même si en théorie — rien ne saurait justifier une mort ! Pourtant, cette exploitation du personnage renverse totalement la tendance attendue et le cliché de la victime vierge d’un tueur sanguinaire. Pour le coup, Pascal Marmet a frappé juste, en créant intelligemment et avec originalité une mise en scène qui sort de l’ordinaire.

Dans le roman, une figure plane : celle de Madame Bovary…

En réalité, ce livre est l’occasion pour Pascal Marmet de jouer à fond avec ses connaissances sur le système judiciaire et policier français, mais aussi son goût probable pour Madame Bovary. Ce texte très étudié à l’école est également un chef-d’œuvre de Flaubert. À l’époque, peu de ses contemporains l’avaient apprécié à sa juste valeur. En dépit d’un style peu populaire, Flaubert s’était démarqué et fait remarquer par le caractère osé de ses thématiques abordées. Dans ce livre, le personnage féminin s’adonne à des romances extraconjugales, avec notamment des scènes érotiques relativement pimentées, compte tenu du contexte historique… Serait-ce en lien avec Maître Fender et ses fétichismes ? Seul le lecteur détiendra la réponse à cette question…

Dans cette affaire, une équipe de choc est déployée pour faire tomber la tête de l’assassin, quel qu’il soit. C’est pourquoi François Chanel ne va pas travailler en solo. En réalité, il s’entoure de collaborateurs atypiques, qui vont accentuer la qualité de l’œuvre.

Un sujet psi à l’Américaine et une stagiaire précoce

Afin de l’aider dans cette chasse à l’homme aux nombreux rebondissements, le commandant et profiler va faire appel à deux partenaires qui se complètent. Tout d’abord, Alain a été interné à Sainte-Anne. Il est atteint du syndrome du savant acquis. C’est pourquoi il aurait développé des capacités extrasensorielles. En théorie, ce phénomène fait écho à toutes les fois où la police a engagé des médiums, dans le cadre de disparitions ou de meurtres. Aux Etats-Unis, cette pratique a déjà fait ses preuves, sans pour autant être reconnue par la communauté scientifique… Concernant le personnage d’Alain, ce dernier est donc frappé de visions, qui l’aident à discerner petit à petit les lieux, les objets (preuves matérielles) et même l’identité du coupable. François Chanel est également amené à collaborer avec Domitille de Darmoy, une petite nouvelle qui — malgré son inexpérience — envisage de solides théories, qui impressionnent l’enquêteur. Grâce à ses remarques et observations, le travail de la police évolue et la résolution de l’enquête semble enfin poindre le bout de son nez…

Exécution de Pascal Marmet est un ouvrage complet, qui tient bien son lecteur en haleine, de la première à la dernière page. Une œuvre réussie, qui se démarque par des choix originaux et une mise en page atypique.